En deux semaines, l’intelligence artificielle mise au point par Facebook a déjà cartographié 14 % de la surface terrestre avec une précision sans équivalent historique.
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Quelque part dans les locaux de Facebook, une série d’algorithmes infiniment complexes triment en silence, jour et nuit, dans le bourdonnement des ventilos. Depuis deux semaines, le réseau stakhanoviste de neurones artificiels traite des volumes de données vertigineux pour nous autres mortels, compilant, ajustant et optimisant sans cesse ses méthodes de calcul au nom d’une tâche herculéenne : cartographier la population mondiale.
Le 22 février, dans un post de blog, le Connectivity Lab de la firme de Mark Zuckerberg a rendu public des résultats tout bonnement extraordinaires, de ceux qui font rêver les technophiles, flipper les catastrophistes et donnent des bouffées de chaleur aux investisseurs : en deux semaines d’activité, leur réseau neuronal est parvenu à cartographier 4 % de la superficie planétaire et de sa population, c’est-à-dire 14 % de la surface terrestre émergée. Soit 20 pays, 21 millions de kilomètres carrés et 2 milliards d’êtres humains positionnés avec une précision ahurissante sur une gigantesque carte.
Mieux (ou pire, c’est selon) : selon les développeurs du projet, le réseau d’intelligences artificielles a déjà appris comment travailler beaucoup, beaucoup plus vite. Au point de cartographier toute la surface de la Terre, océans inclus, et l’ensemble de sa population, en six jours. Chose que l’humanité n’est jamais parvenue à faire dans toute son histoire. Et le plus dingue, c’est qu’elles n’ont même pas essayé d’aller vite.
Pour connecter le monde, autant savoir où il habite
Si les densités de population de nos contrées occidentales, perpétuellement scrutées par des réseaux de vidéosurveillance et des essaims de satellites, n’ont plus aucun secret pour quiconque est prêt à y mettre le prix, l’immense majorité du territoire planétaire est encore mal cartographiée. C’est donc tout sauf un hasard si Facebook a choisi de mobiliser toute la puissance de son cerveau artificiel sur des pays tels que le Nigeria, le Kenya, l’Ouganda ou l’Ouzbekistan.
Car depuis des mois maintenant, l’entreprise tente de convaincre ces pays dits “émergents” de rejoindre son programme Free Basics, qui donne au réseau social les clés de la baraque pour offrir à ces populations, en améliorant leurs réseaux locaux, un accès Internet mobile gratuit et de qualité. Et s’assurer du même coup la fidélité des 4 milliards d’internautes de demain pas encore bien branchés à la matrice, pour qui Internet sera à jamais indissociable du bouton “J’aime” et de l’interface bleu et blanc. Quitte à bâtir de gigantesques infrastructures de télécommunications, autant savoir précisément où se trouvent ses futurs clients.
Potentialités infinies
Après avoir analysé 14, 6 milliards d’images satellites issues de la base de données DigitalGlobe (dont est client un certain Google Maps) et les avoir mises en relation avec les meilleures données de population disponibles, le réseau neuronal est parvenu à une précision à cinq mètres.
Si l’ensemble des données ne sera pas rendu public avant la deuxième moitié de l’année, il ne fait aucun doute que les cartographes professionnels du monde entier se jetteront dessus pour estimer leur précision. Recensement, gestion des infrastructures énergétiques, gestion de désastres naturels mais aussi planification et simulations militaires… Imaginez une seconde pouvoir parcourir des yeux une carte infiniment détaillée des lieux de concentration de toute la population humaine : les potentialités sont inimaginables.
Si les cartes s’avèrent justes, ce sera une nouvelle étape dans la transition de nos sociétés vers une gouvernance multipolaire technologique et privée. Pour le big data d’abord, qui s’affirmera un peu plus comme le grand enjeu géopolitique des décennies à venir ; pour l’ IA ensuite, qui aura avancé un nouveau pion dans son inexorable grignotage des savoirs et techniques humains. Pour les GAFAM (ou “Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft”) enfin, seuls à détenir les moyens technologiques et financiers de constituer ces bases de données inédites… et de s’octroyer des capacités supérieures à celles des nations.