À l’occasion de la sortie en salles de son premier film, Heis (chroniques) nous avons rencontré Anaïs Volpé, jeune réalisatrice de 28 ans. Primé au festival du festival de Los Angeles en 2016, Heis (Chroniques) aborde sous un angle poétique les ambitions et inquiétudes de la génération Y.
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Heis (chroniques), le premier film d’Anaïs Volpé, en salles ce 5 avril. L’histoire raconte la vie de Pia, une artiste de 25 ans, incarnée par la réalisatrice elle-même. En quête de réussite, Pia se voit cependant contrainte de retourner vivre chez sa mère. Son frère jumeau Sam (Matthieu Longatte alias Bonjour tristesse), qui n’a jamais quitté le domicile familial, ne partage pas sa vision de la vie. Dans ce projet qui se décline également en série et en installation artistique, plusieurs thématiques s’entremêlent, l’amour, la colère, le besoin d’émancipation, la culpabilité envers la famille… Anaïs Volpé a bien voulu nous rencontrer pour nous en dire plus sur elle et son projet.
Konbini | Quel est ton parcours en tant que réalisatrice ?
Anaïs Volpé | À la base, je suis comédienne. Progressivement, j’ai commencé par faire du montage, c’est devenu une passion et cela m’a amenée à réaliser un court-métrage. Le montage a été le véritable le lien entre mes casquettes de comédienne et de réalisatrice. J’ai ensuite réalisé un court-métrage intitulé Blast, qui a gagné un prix international décerné par la France et la Chine et j’ai été invitée par l’ambassade de France en Chine. Une fois sur place, l’Institut français de Pékin m’a proposé une bourse, ce qui m’a permis de rester plus longtemps. Finalement, je suis restée six semaines à Pékin et c’est là que j’ai commencé à écrire le projet Heis.
Dans ton film, tu définis la génération de nos parents comme “la génération ayant un Caddie plein à la fin de la semaine et dansant sur du Billy Idol”. Quelle est selon toi la différence majeure avec la génération Y ?
Je ne pense pas que la génération précédente a vécu des choses toutes roses, chaque génération a connu ses galères, a eu son contexte historique. Je pense que ce qui nous différencie principalement c’est la “sursollicitation”, nous sommes une génération ultraconnectée, eux ne l’étaient pas, ils n’ont pas grandi en même temps qu’Internet. On est né en même temps que Caramail, que Facebook… on a vu cette évolution. Peut-être que cette surconnexion nous amène a nous poser plus de questions qu’eux à l’époque. Ça reste un questionnement pour lequel je n’ai pas de réponse. Après, on le sait tous, nous sommes plus pauvres que nos parents – et ça a été prouvé. En termes de pouvoir d’achat également, cela n’a rien à voir. On ne part pas avec les mêmes bases dans la vie.
Penses-tu que l’équilibre continuellement recherché par les personnages du film était plus facilement accessible pour la génération de nos parents ?
Non, je ne le pense pas. Je crois que c’est vraiment universel, dans le sens où c’est difficile pour tout le monde d’accéder à cet “épanouissement suprême”. Je pense même que la génération précédente avait plus de difficultés parce qu’elle ressentait une plus forte culpabilité envers les générations d’avant ; nous avons une plus forte possibilité d’émancipation.
Comment réalise-t-on un premier film ?
Au départ, le projet Heis ne devait être qu’une série mais je me suis rendu compte qu’il y avait de la matière à exploiter et que ce serait dommage de ne pas l’adapter en long-métrage. C’est à ce moment que j’ai commencé à écrire le film. Selon moi, il y a deux manières de faire un premier film : avec l’aide d’un producteur et sans. Il s’agit d’une énorme différence. Personnellement, je l’ai fait sans être accompagnée financièrement. Il faut, selon moi, être passionné et avoir besoin de dire des choses maintenant, et pas après, il faut être dans une certaine urgence et surtout ne pas s’arrêter à la moindre difficulté, parce qu’il y en a chaque jour jusqu’à la distribution du film. Il ne faut jamais lâcher, c’est presque un combat. Une fois que t’as fini d’écrire ton film, c’est le début des problèmes.
Quels sont les principaux problèmes que tu as rencontrés en réalisant un film indépendant ?
Techniquement, je n’avais aucun matériel, je me suis donc fait prêter des caméras. Ensuite, au niveau du montage tu peux rencontrer des problèmes techniques, de confiance sur le projet. Par la suite il y a la postproduction et c’est encore autre chose, parce que ça coûte cher et quand t’as pas beaucoup de budget, il faut faire en sorte que ça puisse se faire en système D, ce qui demande beaucoup d’énergie. Après, on n’avait pas de distributeur donc on a dû créer notre structure de distribution. Les difficultés sont allées crescendo depuis trois ans. Financièrement, ça n’a vraiment pas coûté très cher, on m’a prêté beaucoup de matériel. Ce sont les acteurs qui coûtent cher dans un film et, pour le coup, personne n’a été rémunéré. On était tous dans une bonne énergie pour ce projet.
Comment en es-tu venu à tourner avec Matthieu Longatte, alias Bonjour Tristesse, qui joue ton frère dans le film ?
Matthieu je l’ai rencontré il y a sept ans en distribuant des flyers dans la rue, je l’ai donc abordé. Depuis, on a trouvé un lien presque fraternel puisqu’on a eu l’occasion de jouer à plusieurs reprises des frères et sœurs.
Quels sont tes projets ?
J’écris deux scénarios en ce moment, un des deux scénarios a été sélectionné à la Berlinale à la “Script station”. Le second est en développement, je suis actuellement en écriture de mon prochain long métrage, le tournage se déroulera à New York.
Heis (Chroniques) est actuellement au Luminor à Paris ainsi qu’en province (Pau, Marseille, Nice, Angers, Montpellier..).