Lors d’une conférence très attendue, le fondateur de SpaceX a enfin dévoilé son agenda pour conquérir Mars. Voilà comment ça va se passer.
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C’est fait : on sait enfin quel calendrier Elon Musk fixe avec impatience chaque soir avant de s’endormir. A l’occasion du 67e Congrès international d’astronautique à Guadalajara, au Mexique, le milliardaire fondateur de SpaceX, qui ne cesse de clamer qu’il enverra des hommes coloniser Mars dans les décennies à venir, a finalement expliqué comment il compte concrètement s’y prendre et dans quel laps de temps. Spoiler : c’est pour bientôt. Très bientôt, même, et ça devrait se passer comme ça…
2024 : 100 places, 80 jours de voyage, 100 000 dollars
L’agenda, avant toute chose. Durant la conférence “Faire de l’homme une espèce multiplanétaire”, devant une assistance plus silencieuse qu’à la messe, Elon Musk a rappelé que le premier vaisseau-test entre la Terre et Mars, la mission Red Dragon, devrait décoller en 2018. Si ce test et le suivant sont concluants, le premier chargement de colons devrait décoller en 2024. Vous trouvez ça trop tôt ? La Nasa aussi, qui n’a pas prévu de mission similaire avant 2035.
Selon l’entrepreneur, les vaisseaux sont conçus pour emmener 100 passagers sur Mars en 80 à 150 jours, avec le projet de raccourcir le voyage à 30 jours “dans un futur lointain”. À quel prix ? “Actuellement, un voyage sur Mars coûterait environ dix milliards de dollars par personne. Nous voulons ramener le prix du ticket individuel à 100 000 dollars”, a expliqué Musk sans pour autant préciser comment. Dernière chose, le voyage retour n’est pas une option, et les premiers colons devront “être prêts à mourir”. À long terme, à raison d’un millier de vaisseaux tous les deux ans (oui, une véritable flotte), il faudrait “entre 40 et 100 ans” (soit 20 à 50 expéditions) pour créer une colonie autonome d’un million de personnes, détaille Elon Musk. Et, non, l’homme d’affaires ne sera pas du premier voyage, comme il l’a précisé lors de la séance de questions-réponses consécutive à la conférence.
Le plus gros lanceur jamais construit…
Bon, admettons qu’on soit d’accord. On prend quel bus, déjà, pour faire le voyage? La réponse s’appelle Interplanetary Transit System (ITS), le fantasme ultime de tout ingénieur spatial. Pour emmener ses colons plus loin qu’aucun être humain, Elon Musk ne s’est pas contenté d’imaginer un véritable monstre : probablement excité comme un gosse, il en a tweeté les mensurations et le fonctionnement une demi-heure avant le début de sa conférence. Résultat : un lanceur de 122 mètres de haut propulsé par un “booster” de 12 mètres de diamètre, qui emmènera le vaisseau et ses passagers (placés à sa tête) en orbite avant de retourner tranquillement se poser à son point de départ en 20 minutes, charger un réservoir d’essence géant et remonter là-haut pour l’amener au vaisseau des colons.
Fou. Titanesque. Homérique. Mais pas impossible : le premier des 42 moteurs “Raptor”, qui équipera la future fusée, a été testé pour la première fois le 26 septembre, avec succès, et SpaceX a d’ores et déjà réussi à faire atterrir sa fusée-phare Falcon 9 sur un drone-barge flottant, réalisant enfin son objectif de lanceur réutilisable. Si la technique n’est pas encore parfaitement au point (une autre Falcon 9, équipée d’un satellite à 200 millions de dollars, a explosé sur son pas de tir le 2 septembre dernier), les équipes de Musk ont encore deux ans pour la perfectionner et rendre la BFR réutilisable à l’envi. “BFR” ? “Big Falcon Rocket” pour quelques-uns, “Big Fucking Rocket” pour tous les autres.
… pour un vaisseau réutilisable
Le vaisseau proprement dit, celui dans lequel les colons passeront trois à six mois, mesurera pour sa part 50 mètres de long pour 17 mètres de diamètre et sera équipé de 9 moteurs Raptor pour voyager, certes, mais aussi lui permettre d’atterrir à la verticale sur Mars. Durant la traversée, d’immenses panneaux solaires seront déployés pour assurer l’autonomie énergétique du vaisseau. À pleine vitesse, chargé de son équipage et de 450 tonnes de matériel, le transporteur devrait atteindre 100 000 kilomètres/heure. Et les longs mois passés en microgravité auront tout de la sinécure, selon Elon Musk, qui a même promis un voyage “super fun” grâce à des “jeux en microgravité”, des cinémas, un restaurant et toutes sortes de distractions.
Autre aspect-clé du projet de SpaceX : la réutilisabilité du “Cœur en or” (le nom que Musk envisage de donner au vaisseau, subtile référence au Guide du voyageur galactique). Pour SpaceX, la colonisation de Mars n’est financièrement envisageable que si tous les composants, vaisseaux comme lanceurs, sont réutilisables, sans quoi le gouffre financier serait infranchissable. Les vaisseaux de SpaceX sont donc conçus pour retourner sur Terre, de la même manière qu’un avion est fait pour voler plusieurs fois. Comment ? En laissant les colons construire leur propre station-service martienne. À partir du dioxyde de carbone et de la glace présents sur la planète rouge, il sera possible de générer du méthane et de l’oxygène, les deux carburants du Raptor, pour s’offrir un voyage de retour. D’autant qu’Elon Musk a prévenu qu’avec ou sans passagers, l’entreprise voudra voir revenir ses vaisseaux sur Terre. Chacun d’entre eux, précise Space.com, devrait supporter une douzaine de voyages, tandis que les lanceurs pourraient être réutilisés 1 000 fois.
À part ça, des tours du système solaire
One more thing, aurait dit feu Steve Jobs dans une de ses keynotes… Avant de conclure sa conférence, déjà bardée d’annonces complètement délirantes, Elon Musk a également répondu à l’une des questions les plus récurrentes : comment financer ce titanesque programme de recherche et développement, qui se chiffrera à plusieurs milliards de dollars chaque année ? En continuant à livrer des satellites privés et des marchandises à la Station spatiale internationale (à hauteur de plusieurs milliards de dollars) mettant à profit la technique de voyage orbital développée pour proposer, par exemple, des transits de marchandise “partout sur Terre en 45 minutes”, en passant par l’orbite basse.
Sinon, pour verser dans le complètement fou, Elon Musk a rappelé que son système de transport interplanétaire est “plus qu’un véhicule, c’est un système qui inclut lanceur, transporteur, réservoir et usine de fabrication de carburant”. En d’autres termes, “avec ces quatre éléments, vous pouvez aller n’importe où dans le système solaire”, dès lors que la planète sur laquelle vous faites étape possède de quoi constituer du méthane. Pour voir encore plus loin, le boss de SpaceX imagine carrément un réseau de stations-services installées sur les lunes de Jupiter ou Saturne, qui permettraient à des équipages d’explorateurs de se balader à travers le système solaire en sautant d’un relais à l’autre. En attendant, rendez-vous en 2024.