Les Français seraient de plus en plus sobres dans leurs achats de produits de grande consommation. Un véritable choix plus qu’une crise du pouvoir d’achat. Certains observateurs s’inquiètent, mais nous on se réjouit.
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Le 12 janvier, Les Échos signaient un article intitulé “La France sur le chemin de la déconsommation”, qui analyse les chiffres de la consommation des ménages français en montrant que la consommation de masse était de moins en moins plébiscitée. Selon l’étude, les grandes surfaces comme les supers et les hypers ont moins la cote, et plusieurs produits alimentaires et du quotidien dits “de grande consommation” ne font plus l’unanimité. C’est le cas en particulier de la viande rouge, du lait, des sodas, des surgelés, ou encore de certains produits d’hygiène et de beauté.
Une observation qui pourrait de prime abord être un mauvais signe et refléter une crise économique affectant le pouvoir d’achat ou l’augmentation de la précarité. Sauf que selon les indications de l’Insee, la croissance a pourtant été d’environ 1,3 % en 2016 et la consommation elle-même a crû de 1,6 %. Autrement dit, la consommation tient la route depuis la crise financière mais la consommation de masse commence à décroître. Ainsi, les experts commencent à parler d’un début de mouvement de “déconsommmation” pour certaines catégories de produits et évoquent même l’ère de “l’éconologie” : l’économie de l’écologie.
Les “millenials hipsters” consommeraient autrement
Plusieurs facteurs entrent en compte : en premier lieu, le food bashing du lait et de la viande rouge (d’ailleurs les fléxitariens représentent désormais 25 % de la population), mais aussi un désir de plus de naturel. Les millenials et les hipsters seraient des catégories au premier plan de cette déconsommation. C’est en tous cas ce qu’affirme Gaëlle Le Floch, directrice des études stratégiques chez le panéliste Kantar Worldpanel :
“Le marché de l’hygiène-beauté est confronté à un enjeu de volume avec des acheteurs moins fréquents. Ses produits sont de moins en moins prioritaires pour les Français, qui vont vers moins de sophistication, plus de naturel […] Des femmes qui ont les cheveux plus longs et les lavent moins souvent ou encore la tendance hipster chez les millenials avec des garçons qui se rasent moins…”
De là à nous accuser d’être sales, il n’y a qu’un pas mais passons. La jeune génération ne ferait plus des produits de beauté et d’hygiène sa priorité. Le naturel avant tout comme étendard d’authenticité et de sobriété, plutôt que la sophistication comme gage de superficialité et de dépenses inutiles. En gros, nous réalisons doucement, après avoir grandi baignés dans la publicité, qu’un seul savon suffit pour être propre et qu’en posséder cinquante pour différentes parties du corps ne serait qu’une invention du marketing pour nous encourager à consommer plus.
Du coup, nous devrions nous réjouir de consommer “utile”, au lieu d’acheter bêtement par réflexe en répondant à l’injonction de la société de consommation de masse. Ainsi, nous avons été un peu surpris par BFM TV qui relaye l’information sous ce titre : “Pourquoi la France emprunte l’inquiétant chemin de la déconsommation“. Si le contenu de l’article reste pourtant factuel, on peut s’interroger sur l’usage du mot “inquiétant” qui, du coup, fait un peu peur pour rien. Comme si cette rupture de la consommation était dramatique, alors que les experts évoquent justement une évolution sociétale plus qu’un problème économique.
L’ère grimpante de l’éconologie
Cette situation inédite se situe donc en rupture par rapport aux habitudes de consommation des Français ces dix dernières années. Les Échos notent ainsi que nous faisons une part de plus en plus belle au bio et au local, quitte à dépenser plus pour consommer mieux :
“[Ils] mangent mieux, et achètent donc des produits plus chers. C’est le bio, les produits locaux issus des PME. Les produits de distribution dits alternatifs, comme les petites épiceries ou les marchés en plein air progressent aussi.”
“On gaspille moins, on privilégie la qualité“, résume le quotidien. Tous ces éléments réunis conduisent les experts à parler d’une nouvelle tendance : l’éconologie, c’est-à-dire le mariage de l’écologie et de l’économie. Autrement dit, vivre dans une société plus écologique n’est pas un renoncement à toute forme de consommation, mais serait plutôt une façon plus réfléchie et durable de consommer. Et bonne nouvelle : consommer moins mais mieux ne revient donc pas forcément plus cher que de consommer en masse des produits au rabais. Espérons que le XXIe siècle voie grandir cette tendance sociétale, qui reflète aussi bien une philosophie de vie qu’une forme d’engagement au-delà des formes traditionnelles de politisation.