Quels sont les risques pour les personnes arrêtées ?
L’AFP nous apprend que dans la foulée de la fermeture du site, sept personnes ont été interpellées et trois d’entre elles ont été placées en garde à vue à la section de recherches de la gendarmerie de Toulouse. On ne sait rien de plus pour le moment sur les interpelés, mais l’on peut regarder vers les affaires passées pour comprendre un peu ce qu’ils risquent.
En effet, comme l’explique Next INpact, un jugement à Agen donne quelques clés de lecture. En 2014, un retraité a ainsi été jugé pour avoir hébergé un site de torrents, ce qui peut être vu comme quelque chose de similaire donc. Or, à l’époque, le tribunal d’Agen avait estimé que :
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“De jurisprudence désormais bien établie […] le seul fait de favoriser l’accès et l’usage de sites de téléchargement permettant de visualiser et éventuellement de reproduire des œuvres de l’esprit au mépris des droits des auteurs et de leurs ayants droit [constituait un] délit de contrefaçon par diffusion ou mise à disposition.”
Si Marcel, le retraité de l’affaire “Tracker-Surfer” en question, a écopé de 80 000 euros d’amende et de cinq mois de prison avec sursis, il faut prendre en compte que son site ne proposait “que” 3 000 fichiers – contre des centaines de milliers pour ZT.
Ainsi, le délit est passible de trois ans de prison et de 300 000 euros d’amende – voire plus s’il s’agit d’une infraction commise “en bande organisée”. Mais c’est surtout du côté des dommages et intérêts qu’il faudra regarder, comme le rappellent les 13 millions d’euros de l’affaire Wawa-Mania (site façon ZT), ou encore les 5 millions pour OMG Torrent. Sachant que le manque à gagner estimé pour les ayants droit lésés par ZT est estimé à 75 millions d’euros, il n’est pas impossible que la somme demandée soit à peu près équivalente, histoire que le site servent d’exemple par la suite.
Que représente le piratage en France ?
C’est quoi l’Alpa ?
La fermeture de ZT intervient donc après une plainte de la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) et de l’Alpa. Qui ? L’Alpa, l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, un organisme créé en 1985 qui défend les œuvres audiovisuelles protégées par le droit d’auteur et les droits voisins. Sa principale mission est de signaler toutes les infractions s’y rapportant : elle vise donc principalement les sites de téléchargement illégal.
Et Hadopi alors ?
Évidemment, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi pour les intimes) n’a rien à voir avec la fermeture de ZT puisque cette dernière n’est efficace qu’en cas d’exposition de l’adresse IP dans un cas de téléchargement en peer-to-peer, c’est-à-dire en torrent. La structure même de la loi l’empêche donc d’intervenir dans le monde du ddl.
Pour rappel, tous les candidats à l’élection présidentielle de 2012 avaient inclus dans leur programme la disparition de la Hadopi (oui, même François Hollande).
Comment les autorités comptent lutter contre le piratage ?
Entre la Hadopi qui a les mains liées et le fait que les sites de ddl repoussent comme des champignons, la marge de manœuvre des États est extrêmement limitée. Ils peuvent s’attaquer aux sites qui hébergent les fichiers illégaux, mais plusieurs limites pointent le bout de leur nez.
Déjà, il faut que les sites visés soient domiciliés sur le territoire français. Si les autorités américaines ont pu agir à distance pour fermer Megaupload et arrêter Kim Dotcom en 2012 en Nouvelle-Zélande, il est peu probable qu’une opération similaire soit possible ici. En outre, il est compliqué de faire la différence entre un hébergeur censé permettre un transfert de fichiers personnels à la WeTransfer et un autre utilisé pour du pur ddl.
Cependant, la France s’est armée comme elle pouvait, avec une charte du ministère de la Culture pour que les publicitaires ne collaborent plus avec les sites de téléchargement illégal figurant sur une liste noire officielle. En effet, ces sites essayent tous de vivre de leur activité en profitant de leurs larges audiences pour offrir des services de publicité.
Une idée intelligente qui empêcherait, sur le papier, le financement d’autres sites comme ZT… Sauf qu’elle n’empêche pas certains acteurs de la publicité, sans trop de scrupules, de collaborer malgré tout avec des sites pirates. D’autant plus que la fameuse liste noire est opaque : personne ne sait qui y figure. Or, certains hébergeurs respectant la loi, comme WeTransfer par exemple, peuvent se retrouver dessus sans raison.
Et si l’Union européenne planche en ce moment sur une modification du statut du droit d’auteur, le constat reste pour l’instant le même. Pour Lionel Maurel, la solution est claire : il faut légaliser une partie de ces téléchargements en ligne.
“Périodiquement, il y a un gros site de ddl qui ferme, avant qu’un autre prenne le relais. Et on voit bien qu’Hadopi ne fonctionne pas. On nous a alors vendu des systèmes légaux de streaming en constante amélioration, de Spotify à Netflix, mais cela ne fait pas diminuer pour autant le nombre de téléchargements illégaux. […]
Ce qu’on dit, c’est qu’on est d’accord pour que soit légalisé un P2P sans profit, sans publicité –contrairement à Zone Téléchargement ou d’autres qui sont rentables par de la pub – comme watch.cd, qui a fermé il y a quelques jours. Tant qu’on ne légalise pas le partage dans une sphère bien délimitée et sans vision commerciale, cela ne s’arrangera pas en réalité.”