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Nipsey Hussle nous lègue un manuel de survie musical

Nipsey Hussle nous lègue un manuel de survie musical

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Après 15 ans de carrière, le rappeur de Crenshaw laisse derrière lui un héritage entre G-funk modernisée et symphonie puissante.

Nipsey Hussle a été tué par balles le 31 mars 2019 devant son magasin, à la croisée de Crenshaw Blvd et Slauson Ave, dans sa ville de Los Angeles. Le rappeur nous laisse un héritage très riche, entre ses débuts brûlants et riches en mixtapes juvéniles et ses orchestrations plus fouillées de ces dernières années. Que faut-il réécouter de ces 15 années pour capter l’essence de Nipsey ?

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Pour vous aiguiller, voici notre playlist, composée comme un véritable manuel de survie musical, une bible sonore où chaque morceau porte un message de persévérance, de motivation et d’excellence. Voici deux heures d’énergie, de culture et de course de fond, notre vision de l’artiste que restera Nipsey Hussle pour toujours.

Très proche de l’univers G-Unit à ses débuts, Nipsey développe des refrains mélodiques à la 50 cent. De véritables chants du ghetto, autant imprégnés des sons de Nate Dogg que de ceux de tous les crips de Long Beach et des artistes des scènes régionales hyperactives de Houston ou de la Nouvelle-Orléans.

Il collabore ainsi, dès le début, avec The Game, Jay Rock, YG mais aussi Bun B des UGK, Slim Thug, Lil Boosie ou encore Trae. Uniquement des artistes aux réputations bien ancrées dans leurs villes natales, avec un caractère trempé dans le bitume de leurs rues.

Straight from Slauson

Véritable chaînon manquant entre l’ancienne et la nouvelle génération, la musique de Nipsey est alors tout ce que la culture blog peut nous offrir de meilleur en rap. En reprenant le sample iconique de “Jump” par Kriss Kross, Nipsey fait de “Hussle in the House” son premier tube, entre histoires ancestrales de gangs et réminiscences de funk californien.

En combinant toutes ses influences, Nipsey se range aux côtés d’autres inclassables qui vont grandir en même temps que lui : Freddie Gibbs, Curren$y, Jay Rock, Mac Miller, Meek Mill ou même J. Cole. Que des stars en puissance, que Nipsey a d’ailleurs croisées pour certaines dans les XXL Freshman Class. Il est alors à la source d’un renouveau du rap californien un peu à l’agonie.

Puis, à l’orée des années 2010, il se place parmi les indépendants de Los Angeles. C’est l’ère des mixtapes gratuites sur datpiff.com et la naissance d’un nouveau foyer de rap alternatif, avec le TDE de Kendrick Lamar et Schoolboy Q, Overdoz, Buddy, Polyester the Saint et Dom Kennedy.

Dom Kennedy et YG, deux alliés déterminants

Dom sera justement très important dans la suite de carrière de Nipsey. Avec son Yellow Album, Dom Kennedy pose les jalons d’un rap purement local avec un débit très clairsemé et inspirant. Nipsey reprendra grandement cette formule pour lui donner un aspect plus dur, avec des conseils de la rue pour la rue.

L’autre rencontre déterminante a lieu avec YG. Ce rappeur de Compton a le même vécu, la même culture de gang, mais celle d’un autre camp. Membre des Bloods, YG va justement créer un pont musical avec Nipsey Hussle, le crips de Crenshaw. Plus instinctif et instable que Nipsey, YG offre une autre lecture à leur héritage commun et une énergie impossible à égaler.

Ils évoluent ensemble dans les années 2010 pour redéfinir le gangsta rap californien, avec ses références des années 1990 et ses visions d’avenir. YG est le parfait complément à l’urgence de Nipsey. Gyrophares rouge et bleu.

Ces dernières années, Nipsey change aussi d’univers sonore en donnant les clés de ses projets au duo de producteurs Mike & Keys. En effet, ces derniers réalisent ses albums depuis Crenshaw, sorti en 2013. En ajoutant des éléments très organiques, ils donnent au discours du rappeur encore plus d’impact, le laissent respirer pour atteindre des sommets.

C’est encore une touche que Nipsey a en commun avec Dom Kennedy, Mike & Keys ayant également produit son album Get Home Safely, sorti lui aussi en 2013, le très bon successeur de son Yellow Album.

La touche finale de Mike & Keys

Cette instrumentation forte rappelle aussi les envolées de Rick Ross avec J.U.S.T.I.C.E. League. Rick Ross, un rappeur que Nipsey cite souvent comme influence. Pendant quelques titres, Nipsey devient une version moderne de Frank Sinatra en concert au Sands, grand casino de Las Vegas. Avec les bandanas bleus en plus.

Et il continue de creuser ses collaborations avec Mozzy, Young Thug, G Perico, Roddy Rich ou Young Dolph.

Ce manuel de survie musical que développe Nipsey tout au long de sa carrière atteindra son paroxysme sur Victory Lap, sorti en 2018. Le dernier tour de piste, où tout est plus fort, plus précis. Mike & Keys ne laissent rien au hasard, tout est minutieusement pensé. La liste des invités est emblématique et chaque collaboration donne le meilleur des deux protagonistes.

Bien sûr, YG et Dom Kennedy sont là pour célébrer avec lui. Chaque rime, chaque phrase, sonne maintenant comme le testament d’un passeur de culture, partageant ses expériences et son savoir pour les nouvelles générations. La musique de Nipsey Hussle a pris son temps pour arriver à maturation, et elle n’est jamais autant d’actualité que maintenant.

Donc écoutez, partagez, discutez de tout ce que cette légende du rap américain nous a donné. On en a pour l’instant vu que la partie émergée. Il reste tout un fond à explorer, d’un bleu immaculé.

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