Vincent Dedienne, fraîchement arrivé dans l’équipe du Quotidien sur TMC, nous parle de son spectacle S’il se passe quelque chose et de sa passion pour le théâtre.
Son ton décalé voire suranné, son débit effréné et sa façon de jouer du vrai et du faux sont sa marque de fabrique. Après un parcours classique débuté à l’École nationale supérieure d’art dramatique de Saint-Étienne, Vincent Dedienne a été découvert par le grand public sur le plateau du Supplément de Canal+ où il brossait avec ses “bio interdites” un portrait teinté de justesse et d’absurdité des invités politiques.
Depuis la rentrée, il nous fait rire aux côtés de Yann Barthès avec sa loufoque revue de presse “Q comme… kiosque” et nous a déjà offert une chronique culte en établissant une comparaison pleine de finesse entre les partisans de la Manif pour tous et… des acariens. Également en tournée avec son premier spectacle produit par Laurent Ruquier, dont certains spectateurs ressortent en s’exclamant que ça ne ressemble à rien (de déjà vu !), Vincent Dedienne ne laisse personne indifférent. On a donc voulu en savoir plus sur son amour du théâtre, son goût immodéré pour la culture et sa rentrée télé.
Konbini | Le titre de ton spectacle est S’il se passe quelque chose… mais quelle est la fin de cette phrase ?
Vincent Dedienne | Ah, la fin de cette phrase c’est la toute dernière phrase du spectacle, alors c’est peut-être mieux de la garder secrète puisque c’est la surprise ! Mais on peut inventer pas mal de trucs : c’est un peu une promesse, qu’il se passe quelque chose. Allez, je ne vous dis pas la phrase exacte mais son sens : s’il se passe quelque chose, c’est mieux que s’il ne se passe rien !
Comment raconterais-tu ce one-man-show ?
D’abord, je dirais que ce n’est pas un one-man-show mais une histoire avec le pari bizarre de faire son autobiographie avant 30 ans. Et comme c’est du théâtre, et que c’est fait pour rigoler car c’est un spectacle drôle, eh bien c’est un autoportrait où tout est vrai et tout est faux en même temps ! Il y a beaucoup d’autodérision et, quand j’en ai marre de parler de moi, je joue un personnage qui vient parler de lui et qui perturbe le sens de l’histoire. Même s’il y a beaucoup de vrai, ça m’amuse de jouer avec la réalité.
Dans ton spectacle, tu décris Mâcon, la ville dont tu es originaire, comme “l’image que l’on se fait, non pas de la mort, mais de l’agonie”. Il y a des choses qui te manquent là-bas, quand même ?
De Mâcon, ce sont surtout mes parents, qui vivent dans un petit village à côté, qui me manquent, car je les vois peu. Et puis Madame Dietrich, mon chat, me manque aussi beaucoup.
À un moment, d’ailleurs, ta mère apparaît presque pour dire qu’elle aurait préféré un autre bébé plus beau à l’adoption. Dans ton prochain spectacle, tu feras encore dire des choses horribles à tes parents ?
[Rires.] Non, j’essaierai de les épargner à présent, je ferai dire des choses horribles à d’autres gens, faut que ça tourne un peu. Souvent, dans les premiers spectacles, on met en jeu des choses de nos racines, et si j’en fais un second, j’aurais moins besoin d’aller fouiller dans ma famille. Peut-être que je ne serais même pas l’objet de mon prochain spectacle. Mais de temps en temps, quand je vais voir d’autres comédiens, je me dis “tiens, qu’est-ce que tu mettrais si tu écrivais à nouveau ?” Mais bon, pour le moment, je suis tout occupé à jouer celui-là.
On peut désormais te voir sur TMC aux côtés de Yann Barthès, peux-tu nous parler de cette rentrée télé ?
Je tiens deux fois par semaine une chronique que j’écris avec les mêmes amies comédiennes qui travaillaient avec moi sur la bio interdite. C’est encore vraiment le début, mais ça me plaît. Il s’agit de la même boîte de prod’ qui gérait Le Supplément, remplie de gens que j’estime. La nouveauté c’est Yann, que je connaissais peu mais que j’aime beaucoup : pour le moment c’est très doux et très agréable.
Dans une interview, tu as déclaré que la politique n’était pas ton péché mignon, ce qui expliquait ton audace ou ta candeur à certains moments face aux hommes et femmes politiques rencontrés sur le plateau du Supplément. Alors, c’est quoi ton péché mignon ?
Mon péché mignon, c’est vraiment le théâtre et le cinéma. Entre les chroniques et le spectacle, c’est surtout le rire que je déclenche, mais pour de prochains projets j’aimerais bien revenir à des choses moins drôles. J’aime vraiment tout faire. En janvier une comédie, en février un drame, en mars un spectacle de danse, en avril une comédie musicale, je trouve que c’est la moindre des politesses pour un acteur d’avoir la curiosité et la gourmandise de tout approcher.
J’ai compté deux bad buzz à ton actif, la vanne de Laurent Lafitte sur Woody Allen à Cannes et la fois où tu as vexé Jacques Attali en le comparant à un hibou. C’est peu pour quelqu’un qui s’adresse à ce point aux personnalités, tu as peur pour la suite ?
J’ai pas peur des bad buzz car je ne suis pas un bad boy, je suis un type assez poli, je fais attention, j’ai pas envie de faire de polémique ou de faire du mal aux gens. Jacques Attali, c’était le début, une erreur de débutant, donc je ne la referai plus… Après, je ferais peut-être d’autres erreurs mais je n’ai pas peur d’en faire. Ça me passionne de faire des erreurs, de me tromper, d’avancer.
Quel humoriste ou chroniqueur aurais-tu choisi pour faire la bio interdite de Vincent Dedienne ?
Matthieu Noël, que j’aime beaucoup et qu’on a pu voir dans C à vous. Je ne le connais pas mais j’aime son écriture !
Est-ce que tu as un rêve inavoué ?
J’en ai des rêves, mais ils sont tous un peu avoués quand même. Mais laissez-moi réfléchir… J’aimerais bien embrasser Sabine Azéma dans un film ! Ça, ça me ferait rêver.
Comment as-tu eu le déclic pour passer du théâtre classique à la scène comique ?
J’ai toujours adoré la comédie, j’ai toujours regardé beaucoup de spectacles comiques. J’ai grandi avec les films de Louis de Funès et Pierre Richard, je regardais souvent Coluche. J’ai donc toujours eu le sens de la comédie mais c’est quand j’ai eu une période de creux entre un Victor Hugo et un Molière, que je me suis dit : “Voyons si j’arrive à écrire un spectacle ou si c’est ‘feuille blanche’ et qu’il vaudrait mieux que je joue à la dame de pique sur mon ordinateur plutôt que de remplir un doc Word.” Plein de choses sont sorties et, à partir du moment où c’était sur papier, il fallait aller jouer !
Qu’est-ce qui t’a poussé à aborder François Rollin, croisé sur le parvis de la gare de Lyon et par qui tout a commencé ?
J’avais écrit une première version de mon spectacle et je suis allé le voir comme le fan que je suis depuis plusieurs années, car j’adore ça être fan des gens. Enfin, pas de tout le monde, de certains. C’était un peu comme les gens qui aiment Justin Bieber et qui le croiseraient à la gare de Lyon : ils vont avoir peur mais ils vont y aller. Moi, j’ai eu peur, mais je lui ai dit que j’avais beaucoup d’affection pour lui et son travail. Il ma donné son email et on a commencé à échanger comme cela.
Peux-tu nous parler des rôles que tu as adoré jouer ou de ceux que tu aimerais jouer plus tard ?
J’ai adoré joué le roi François 1er dans Le roi s’amuse de Victor Hugo, et j’aimerais jouer du Racine ou du Corneille. Si on m’interdisait l’entrée des théâtres je serais très malheureux, car c’est l’endroit où je me sens le mieux, le plus protégé et où, en même temps, il y a un vertige. C’est une drogue, l’adrénaline du théâtre.
Si tu n’avais pas été comédien, que serais-tu devenu ?
Je pense que je travaillerais dans une bibliothèque, je serais un peu triste et j’aurais des pellicules sur ma veste. Oui, je me serais retranché dans un endroit où il y a beaucoup de livres et de silence.
Une idée pour donner envie aux jeunes d’aller plus souvent au théâtre ?
Il faut que les profs et l’Éducation nationale emmènent les jeunes au spectacle. Il y a de plus en plus de spectacles pour le jeune public et il faut habituer très tôt les gens au bonheur d’être au théâtre, sinon ça peut ne pas être un réflexe ; voire ça peut devenir intimidant. C’est mon cas avec l’opéra : je n’ose pas y aller, or si on m’y avait emmené petit, si on m’avait fait écouter jeune de la musique classique, je serai moins intimidé. Et surtout, il faut voir de tout : un prof de lycée peut emmener ses élèves voir du contemporain, de la danse, de l’humour, des one-man-show… Il faut aiguiser la curiosité.
Je me souviens très bien de la première fois que j’ai vu un Roméo et Juliette : nul, nul, nul, tellement nul que ça m’a marqué. Et mon premier spectacle, Pierre Palmade sur scène. Ou celui de Thomas Ostermeier, Nora, adapté d’Une maison de Poupée de Henrik Ibsen, c’était un choc. Le Sacre du printemps, de Pina Bausch, aussi, c’était un coup de tonnerre. J’ai eu beaucoup d’émotions au théâtre.
Et l’avenir, tu le vois comment ?
Je me vois un peu plus gros car je ferai de moins en moins de sport, déjà que… j’en fais pas beaucoup. Sinon, j’ai peur de perdre mes cheveux donc j’espère que je n’aurais pas une petite tonsure sur le sommet du crâne. Je me vois vivre à 100 à l’heure entre des films et des spectacles, et avec les mêmes amis. Ah, et puis j’aimerais bien avoir un chien.
Pour conclure, une citation liée à ta passion du théâtre ?
Celle d’Ariane Mnouchkine : “Il ne faut jamais oublier quand on monte sur scène qu’il y a des gens qui viennent au théâtre pour la première fois et d’autres pour la dernière fois.”
Retrouvez Vincent Dedienne sur les planches de L’Atelier à partir du 10 octobre (complet) et en tournée dans toute la France. Prolongations parisiennes au Trianon à partir du 21 décembre.
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