“À un moment je me faisais chier, j’ai maté l’épisode 1 de l’anime, puis j’ai tout regardé et j’ai vraiment adoré. Et il se trouve que le mec dans l’histoire cherchait du taf, et plaque tout pour commencer cet entraînement. Pour le coup, j’étais dans la même situation et me suis mis dans la même optique. Je venais de quitter mon taf depuis trois semaines.”
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C’est là que William, sous le nom de “SaitamaV2”, entre en jeu ; là où, jusqu’ici, personne ne s’y était prêté à cent pour cent. Après avoir été militaire, le jeune homme de 1,84 mètre et 63 kilos a été réceptionniste dans un hôtel, avant d’être à la recherche d’un boulot, comme Saitama.
Un personnage qu’il découvre dans le même temps, à travers l’adaptation en anime (qui a débarqué dans l’Hexagone en octobre 2015) de One Punch Man. Il crée alors un pont entre la fiction et la réalité, pour y importer l’entraînement suivi par le personnage principal de l’un des meilleurs mangas actuels. Objectif : terrasser tous ses ennemis en un seul coup de poing – enfin ça, c’est dans le bouquin.
Une banane, des douleurs et du Booba
Certes, il ne finira pas par vaincre les plus grands monstres de ce monde (des terroristes à Zemmour) en un coup de phalanges comme cela est le cas dans le manga. Mais William respecte à la lettre les règles que Saitama établit avec hargne :
“100 pompes ! 100 abdos ! 100 squats ! Et enfin 10 kilomètres de course ! Chaque jour ! Et bien sûr, faites attention à manger trois repas par jour. Juste une banane le matin, c’est bien.”
Saitama reconnaît lui-même à quel point l’entraînement est difficile, surtout au début, poussant celui qui l’exécute à vouloir abandonner. Mais, comme il le montre si bien, il faut se battre pour avoir ce que l’on désire. Et surtout, ne jamais allumer la clim…
Pour l’instant, William tient bon, en respectant les trois repas par jour et la banane matinale – tout en écoutant du Booba pour se motiver lors des 10 kilomètres, comme il me l’apprend, notamment “92i Veyron“. Mais avoir du B2O, du Starmania ou du Frédéric François dans les oreilles, cela n’empêche pas les muscles de flancher : après trois mois d’entraînement, la tâche s’avère un peu plus compliquée que ce qu’il pensait.
“Exceptionnellement, depuis deux semaines, je commence à avoir des douleurs au niveau des fesses, des cuisses, toute la région des hanches. Je suis allé voir le médecin, il m’a filé quelques cachets pour faire disparaître les douleurs, mais rien de grave pour l’instant.
Je lui ai dit que je courais souvent et beaucoup, mais je ne suis pas entré dans les détails de l’entraînement sinon il aurait pété un câble [rires]. Pour le reste, tout va bien. Ce qui me fait peur c’est les 10 kilomètres journaliers… Dans un an et demi, deux ans, je me demande ce que ça va donner. Je fais aussi attention à ne pas faire mal à mon corps.”
Du début de la galère à la galère des débuts
Il se remémore les débuts de l’entraînement, avec des premiers jours difficiles, même s’il a “toujours été un peu sportif”.
“Plus l’entraînement avance, plus je réduis mes séries au fur et à mesure. Au début je faisais cinq fois vingt pompes, et là j’augmente, j’en suis à cinquante pompes en deux fois. Les dix kilomètres, en revanche, c’était très trèèèès dur : j’ai douillé les premiers jours, avec courbatures, etc. J’essaie de boire beaucoup d’eau et de faire beaucoup d’étirements pour que ça aille, mais les cinq premiers jours c’était la galère. Puis après ça allait, tranquille.”
Dans One Punch Man, manga à mi-chemin entre le shōnen et le seinen, Saitama est un salaryman (au Japon, ce sont les cadres non dirigeants d’une entreprise, ou les employés) sans ambition. Un jour, il finit par ouvrir les yeux : face à lui, la routine ; à l’horizon, aucune perspective d’avenir. Il faut agir. Après s’être confronté à un crabe géant, le jeune homme décide de prendre sa vie en main. Avec un objectif en tête : devenir un super-héros.
Trois années d’entraînement intensif plus tard, Saitama est transformé : avec plus un cheveu sur le crâne, celui que l’on appelle désormais One Punch Man a une force surhumaine qui lui permet d’éliminer ses adversaires d’un seul coup de poing.
William a lui aussi perdu ses cheveux. Mais pas naturellement, du moins pas pour le moment. Tout est parti d’un défi qu’il a lancé sur la page Facebook sur laquelle il raconte ses avancées, déjà forte d’une communauté de 9 000 fans.
“Au tout début, il y avait, quoi… 100 likes sur la page Facebook, et j’avais dit : ‘Allez, à 1 000 likes je me rase la tête.’ Je pensais être tranquille, mais une semaine après l’objectif était atteint donc j’avais pas le choix, obligé de le faire.”
Et pourquoi les avoir laissé repousser ?
“Quand je me suis rasé le crâne, il y en a beaucoup qui voulaient que je laisse mes cheveux repousser pour voir si je pouvais les perdre naturellement, comme dans le manga. Je n’espère pas que ça arrivera, mais bon… parce que quand je me suis rasé les cheveux, à ce moment-là j’étais avec ma copine, et elle n’a pas du tout aimé. Mais ce n’est pas pour ça qu’elle m’a quitté [rires].”
Dépassement de soi, et relations humaines
Ce qui fait le charme du manga, et de son héros, c’est sa relative proximité avec la réalité. L’entraînement est ardu, encore plus sur le long terme, mais réalisable. Porté par le succès du manga phénomène, un mouvement s’est créé sur Internet autour du programme de Saitama, tutoriels à l’appui.
Mais jusqu’ici, personne n’a conduit cet entraînement à son terme. Pour faire part de ses exploits, William raconte, chaque jour, ses péripéties à la communauté d’internautes qui le suit. Entre Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat (SaitamaV2) et YouTube, nous avons affaire à un One Punch Man 2.0 bien plus connecté que l’original et qui, quotidiennement, relate ses exercices. Et puis, une fois par semaine, il se filme pour un petit débrief de l’entraînement :
William n’arrivera jamais à avoir autant de force que Saitama. Il en est conscient et préfère se focaliser sur d’autres principes, de l’entretien physique au dépassement de soi, en passant par les relations humaines. Selon SaitamaV2, plus de la moitié des personnes qui le suivent “ont entre 13 et 18 ans, une autre bonne partie atteint les 25 ans, et ça peut aller jusqu’à 60 ans, même si c’est assez rare“. Parmi les plus jeunes, une rencontre l’a particulièrement marqué :
“J’avais fait un petit concours sur Facebook, où j’offrais un mug One Piece [fameux manga, ndlr], et l’un des gagnants habitait à côté de chez moi. Du coup, je me suis dit : ‘Tiens je vais lui offrir en main propre.’ À part son nom, je n’avais aucune information sur la personne, qui avait un personnage de manga en photo de profil.
Et là, surprise : je toque, je regarde face à moi en pensant que c’était quelqu’un de mon âge et là, plus bas, un petit de 10 ans m’ouvre la porte. Il me remercie avec des grands yeux et me souhaite bonne chance en me disant qu’il était à fond avec moi.”
Bien qu’il n’aura jamais le superpouvoir de Saitama, William a l’étoffe d’un héros. Un héros ordinaire.