Un artiste hybride qui mélange et expérimente à tour de bras.
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Il est aux alentours de 18 heures quand Kirikoo Des, aka NSDOS, monte sur la scène “automne” de ce Weather Festival 2016. La foule n’est pas des plus conséquentes mais s’apprête néanmoins à se prendre une claque monumentale.
Loin des DJ sets, aussi élaborés qu’ils peuvent l’être, le jeune homme propose un live complexe qui, comme un certain Jacques, n’a jamais la même forme d’une scène à une autre et pour cause : il improvise autour d’éléments à chaque fois nouveaux. Et là où l’artiste à la tonsure blonde exploite les sons qui s’offrent à lui pendant les live, Kirikoo Des construit son set autour de petit robots en Lego, quand il ne filme pas des vers pour modifier ses sons. Explications.
Des insectes, de la lumière et du vent
Quelques jours avant son set, on retrouve l’artiste au parc des Buttes-Chaumont, à Paris. Perché en haut d’une colline, l’homme de 32 ans bidouille, fouille et triture des machines à tout-va. Aux côtés des fameux robots, on trouve un verre contenant (sans mauvais jeu de mots) deux vers, le tout supplanté par une caméra reliée à sa tablette. Le reste est constitué d’une flopée de câbles, de multiples machines et de circuits imprimés de la taille d’une paume de main.
Comme il l’explique, son installation est la continuité de ce qu’il a toujours fait, à savoir expérimenter :
“Au début, je faisais de la noise, de la musique avec des vinyles que je rayais volontairement et que je scratchais pour faire du bruit. Puis, petit à petit, j’ai commencé à rajouter des Game Boy, des trucs sur ordi, pour faire de la synthèse sonore. Tout ça est en évolution permanente.
J’ai rencontré un mec par la suite, vers 2008-2009, qui m’a orienté sur quelque chose me permettant de lier mes deux passions, la musique et la danse, en travaillant sur la sensation de temps réel et de mouvement. D’où la caméra qui filme ici des insectes.”
En réalité, c’est un biohacker berlinois qui le redirigera plus précisément sur ces capteurs utilisant le mouvement pour faire évoluer le son, selon un principe de “biofeedback”. NSDOS n’a pas pu exploiter la chose sur ses deux premiers EP, sortis sur le label parisien ClekClekBoom en 2013 et 2015 et qui ont donné une certaine visibilité à l’artiste. Il lui a fallu attendre Money Exchange, son dernier projet paru il y a quelques mois sur Standalone Complex (dont le nom fait référence à Ghost in the Shell), son label fraîchement créé, pour entendre le produit de son drôle de set-up.
L’idée est de coupler le “feedback” naturel obtenu grâce aux vers à des programmes d’ordinateurs pour générer des nappes de sons sur lesquelles Kirikoo peut improviser et bosser sur un rythme, une basse ou autre chose :
“On a les insectes, mais on pourrait mettre ça sur un arbre ou des gens qui dansent. Pour Money Exchange, j’ai mis le capteur sur un arbre flexible que je voyais de ma terrasse à Berlin, et du coup certains sons générés par ses mouvements se trouvent dans les morceaux. C’est bordélique, plus punk. J’ai aussi essayé les poissons, les gens. Genre : je plaçais la caméra dans la rue et dès que quelqu’un passait, ça générait un son.”
Forcément, on retient les vers, mais on pourrait aussi parler de son robot détecteur de changements de lumière, ou de sa plus récente machine qui fait de la musique avec le vent. NSDOS revient d’un mois d’enregistrement en Alaska, où les insectes étaient remplacés par une rivière. Cette fois-ci, il a utilisé en guise de micro une réplique de ses oreilles, qui enregistre les sons tels qu’il les entend lui-même au moment de la fabrication. Il en ressortira un album qui devrait, si tout va bien, sortir en mars prochain.