L’éclosion d’un cinéma personnel
Autobiographie
Un an après la fin du tournage, Mean Streets est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, et remporte, la même année, le prix du meilleur scénario dramatique original décerné par la Writers Guild of America. La renommée de Martin Scorsese devient alors internationale, et les critiques élogieuses fleurissent.
Michael Henry Wilson, alors journaliste pour la revue Positif et depuis devenu spécialiste de Martin Scorsese écrit dans un de ses ouvrages consacrés au cinéaste : “Son avènement ne pouvait se comparer qu’à celui d’un Jean Vigo. Mean Streets était son Zéro de conduite et son Atalante. Le livre de bord d’un nouveau bateau ivre, à la fois chronique et requiem, tranche de vie et opéra fantasmagorique“.
Car avec ce troisième long métrage, Martin Scorsese nous plonge dans un univers à la fois connu et fantasmé. Le réalisateur décrit d’ailleurs Mean Streets comme un film autobiographique :
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C’était une tentative de faire un film sur la manière dont moi et mes amis vivions à Little Italy. Il y a une dimension anthropologique ou sociologique au cœur même du projet. Charlie se sert des autres en pensant les aider. En croyant cela, il ruine tous ses efforts aussi bien envers les autres que lui-même.
Quand il se bat avec Johnny dans la rue, il essaie de donner l’impression qu’il le fait pour les autres mais ce n’est qu’une question d’orgueil, le premier péché dans la bible.
Scorsese utilise sa propre voix pour faire parler la voix intérieure du personnage d’Harvey Keitel pendant tout le film. Il explique que c’était pour lui un “un moyen de trouver une paix intérieure“. Avant d’ajouter :
Il est très facile de se discipliner pour aller à la messe tous les dimanches. Ça ne prouve rien. Pour moi, la rédemption ne peut venir que de la façon dont on vit et dont on se comporte avec les autres.
Un casting mythique
Outre ses qualités immersives et les prémices d’une réalisation vertuose, ce qui fait de Mean Streets un grand film, c’est son casting. Mais comme pour le scénario, le choix des acteurs s’est dessiné peu à peu. Si Harvey Keitel était bien le premier choix de Martin Scorsese, les producteurs voulaient absolument une célébrité pour incarner Charlie, en l’occurrence Jon Voight, qui décline finalement le rôle.
Le réalisateur envoie également son scénario à Al Pacino, mais pas de réponse. Pour coller au maximum au réalisme qu’il veut insuffler au film, Martin Scorsese souhaite réunir un casting new yorkais. Brian de Palma pense alors à introduire Robert De Niro au réalisateur, et les deux hommes s’entendent bien : ils ont grandi dans le même quartier. En 1976, dans une interview pour France Télévisions, l’acteur évoque ses racines et son lien avec son personnage :
Je connais des gens comme cela, j’ai vécu parmi eux, donc je peux apporter au personnage beaucoup de mon expérience personnelle, et dans tout rôle que l’on joue il faut apporter beaucoup de son expérience personnelle, autrement jouer ne veux rien dire.
Pour moi, Mean Streets a la meilleure bande son possible parce que ce sont tous des morceaux que j’ai aimé et qui représentaient notre manière de vivre. Nous n’hésitions pas à garder les morceaux sur plusieurs minutes dans le film. Pour moi, Mean Streets, c’est “Jumping Jack Flash” et Be my baby”.
Première œuvre majeure et film fondateur, Mean Streets c’est l’éclosion d’un réalisateur et le début d’une série de plongées dans l’école de la rue, avec ses malfrats, ses conflits, ses amitiés et ses amours. C’est aussi la rencontre avec des acteurs qui inspireront Martin Scorsese une grande partie de sa carrière, et qui l’aideront à marquer l’histoire du cinéma américain à tout jamais.