On a rencontré Matteo Garrone dont le film Dogman, notre coup de cœur à Cannes, sort en salles ce mercredi.
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Après L’Étrange Monsieur Peppino présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2002, Matteo Garrone est revenu sur la Croisette en 2008 avec Gomorra, en 2012 avec Reality, en 2015 avec Tale of Tales et cette année avec Dogman. Ce conte noir et animal a permis au cinéaste italien de révéler son nouveau protégé, Marcello Fonte, qui a reçu le prix d’interprétation masculine à l’issue du festival.
L’acteur a bouleversé le star-system avec son histoire, son humilité et sa prestance. Il incarne un toiletteur pour chiens dans un petit village dominé par Simoncino, une racaille monumentale, accro à la cocaïne et à la violence. Tyran incontrôlable, ce dernier n’hésite pas à faire pression sur notre héros sans prétention qui, une fois trahi malgré sa fidélité, reviendra avec les crocs orchestrer sa vengeance.
Brut, merveilleux et immanquable, Dogman sort en salles ce mercredi 11 juillet. À cette occasion, nous avons rencontré l’instinctif Matteo Garrone, qui signe avec ce long-métrage très abouti l’un des meilleurs films de l’année. Une interview rapide mais chaleureuse, sous 33 °C.
Konbini | Comment allez-vous, un mois après Cannes ?
Matteo Garrone | Je vais bien. Très bien [rires]. Le film est sorti en Italie, il a réussi à aller vers un public très différent, transversal et donc pour moi c’est la chose la plus belle : quand on voit que le film touche directement le cœur, et des personnes qu’on n’attend pas forcément. Marcello Fonte est un personnage qui, grâce à sa douceur, à son humanité, est directement entré en empathie avec le public. Il y a eu beaucoup de témoignages d’affection à la sortie du film. Tout va bien, donc [rires].
Il a gagné le prix d’interprétation masculine et au-delà de ça, il est merveilleux : comment avez-vous déniché Marcello Fonte ?
Ça a été un peu un hasard. Marcello travaillait dans un squat où il y avait une compagnie de théâtre qui répétait et on voulait faire des essais avec eux. Il a dû prendre le rôle d’un des comédiens qui a eu un souci de santé et on a tout de suite trouvé qu’il était l’acteur idéal. Il avait un visage antique, un regard doux et humain. Il sait jouer avec les yeux. J’ai vu une sorte de Buster Keaton, et je pensais que personne mieux que lui ne pouvait raconter un tel personnage, et incarner la perte de l’innocence.
C’est marrant qu’il soit question de hasard parce qu’on dirait que le film, même s’il est tiré d’un fait divers, a été écrit pour lui…
Ce fait divers, c’était juste un point de départ dont on s’est librement inspirés et qu’on a ensuite adapté aux caractéristiques du personnage tel qu’on l’avait imaginé. Marcello a amené son passé, son vécu, sa sensibilité, et il y a eu une sorte de mariage qui s’est opéré entre la personne et le personnage. Aujourd’hui, je ne pourrais pas imaginer un interprète plus juste que Marcello pour ce rôle.
Comment avez-vous travaillé avec les chiens ?
J’aime beaucoup les chiens car ils sont imprévisibles et j’aime ce qui est imprévisible. Marcello est aussi un acteur qui aime aller sur les territoires, qui se sent libre d’improviser. C’est une situation idéale. Cette dimension faite d’imprévu et d’imprévisible m’intéresse aussi beaucoup. C’est comme travailler avec des enfants, on ne sait jamais ce qu’ils vont faire, ce qui va se passer.
D’une manière générale, considérez-vous l’homme comme un animal ?
Je pense que cette idée d’être spectateur de la bestialité des animaux et de la bestialité humaine, c’est quelque chose qui m’a beaucoup inspiré dans cette histoire. C’est ce qui a fait que j’étais à fond dans ce projet, qui est d’ailleurs un vieux projet puisque j’ai écrit le scénario il y a douze ans. Même s’il a beaucoup changé au cours des années, ce scénario s’intéresse beaucoup aux thèmes de la survie darwinienne et de la perte de l’innocence qui sont, je pense, des archétypes présents dans la condition humaine.
Pour terminer, il paraît que vous avez fait vos armes en tant que peintre et on remarque dans vos films, toujours très esthétiques, que vous n’avez pas perdu la main : pensez-vous que la peinture influence encore votre travail de réalisateur ?
Toujours, bien sûr, car j’ai une formation picturale et même théâtrale, comme mon père était critique de théâtre ; c’est très important pour moi. La peinture reste centrale. C’est quelque chose qui arrive malgré moi. Sur ces films, je n’ai pas fait de recherches picturales précises mais il y a toujours des peintres qui reviennent : le Caravage, Rembrandt, Goya. C’est un rapport de lumières, d’ombres, d’angles, de décors… Mais je n’ai pas de tableaux précis en tête.