C’est une nouvelle anecdote à ajouter aux secrets de tournages des films de Quentin Tarantino. Dans Les Huit Salopards, Kurt Russel alias John Ruth, arrache une guitare des mains de Daisy Domergue, jouée par Jennifer Jason Leigh, avant de la fracasser violemment contre une poutre. Une scène déjà emblématique qui a nécessité que l’on détruise un instrument. Mais le souci est que la six-cordes en question n’a rien d’ordinaire. C’est une pièce authentique de la marque Martin qui date des années 1870. Et le musée à qui elle a été empruntée n’est pas du tout, du tout content.
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Ce sont les luthiers de Martin & Co. qui ont gracieusement prêté l’instrument, habituellement exposé dans le musée de la marque, le Martin Guitar Museum, situé à Nazareth (Pennsylvanie). Sur le tournage, la guitare n’était pas vouée à être cassée de la sorte. Elle aurait dû être remplacée avant que Kurt Russel ne s’en empare pour la démolir, comme prévu dans le scénario. Mark Ulano, directeur du son sur Les Huit Salopards, racontait sa version des faits lors d’une conférence organisée par le média SSNInsider.com, en décembre dernier :
“Nous étions supposés, arrivé à ce point, échanger les guitares et détruire la ‘doublure’. Eh bien, on n’ignore pourquoi, mais ça n’a pas été communiqué à Kurt, donc, quand vous voyez ce qui se passe à l’écran, la réaction de Jennifer est authentique.”
Quentin Tarantino était content du résultat de la scène
Les réactions sur le plateau étaient plus moins partagées : si la majorité semblait affolé, Tarantino, lui, ne pensait qu’au rendu de son long métrage :
“Kurt venait de briser une antiquité et tout le monde était paniqué. Tarantino était au fond de la pièce avec un sourire en coin, parce qu’il avait réussi à obtenir un truc de cette performance.”
Lorsque Kurt Russel s’empare de la guitare, annonce fièrement “Music time is over !”, et la défonce sur un poteau en bois de l’auberge, l’actrice Jennifer Jason Leigh n’en croit pas ses yeux. Si vous mettez sur pause juste après la scène, vous verrez dans ses yeux… la surprise de voir l’antiquité être détruite, jusqu’à même qu’elle se retourne vers l’équipe du film (à partir de 03:30) :
Sauf qu’avant d’anéantir un objet de collection certainement d’une grande valeur, l’équipe du film n’avait jamais mis le musée au courant du script et du destin réservé à l’instrument. Nous avons contacté le musée pour savoir si leur déclaration au magazine Reverb était motivée. Le directeur du Martin Guitar Museum, Dick Boak, nous a confirmé ce qu’il avait expliqué au magazine :
“Nous comprenons si un échafaudage ou quelque chose tombe dessus. Nous savons que ces choses arrivent mais, en même temps, nous ne pouvons pas prendre cela à la légère. Le fait que la guitare devait être détruite dans le script et que personne n’ait prévenu l’acteur, c’est une toute nouvelle information pour nous. Nous ne savions rien du script. Nous ne savions pas que Kurt Russel n’avait pas été mis au courant que [la guitare] était un précieux et irremplaçable artefact du Martin Museum.”
Le musée a été remboursé pour les dommages causés, mais comme le confie Dick Boak, “ce n’est pas une question d’argent. C’est une question de préservation de l’histoire et de l’héritage de la musique américaine.”
Article écrit le 5 février 2016, mis à jour le 8 juin 2020