En réalité, ce pauvre Nick que tout accuse n’est que le pantin d’une terrible machination orchestrée par son épouse, manipulatrice perverse, monstre sans coeur qui va jusqu’à tuer de sang-froid et à mains nues pour assouvir son projet de vengeance : humilier, écraser, voire tuer son mari (puisque la peine de mort est d’actualité dans le Missouri où ils ont déménagé), en le faisant volontairement accuser de son meurtre.
Pourquoi ? Pour le punir de l’avoir trompée avec une étudiante, bien sûr, et parce qu’il ne correspondait plus à ses critères de l’homme parfait (Nick connaît une période de chômage, il se laisse aller, est trop dépensier, vit “sur le dos” de sa compagne, etc.).
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C’est donc une valse sans fin que Fincher nous donne à voir, qui justifie en fait les pires arguments masculinistes : Amy incarne le cliché patriarcal de la perversion féminine idéale, qui utilise la violence psychologique, soi-disant arme favorite des femmes, pour humilier et blesser son mari.
Le film relate toute la perversité de la fameuse violence psychologique féminine tant invoquée par les lobbies ANTI-féministes : violence invisible, improuvable puisqu’elle ne laisse aucune trace (comment prouver le chantage et la manipulation ?), elle s’exerce dans le huis-clos du couple.
Amy, un personnage enfermé
Une bouffée de féminisme ?
Elles ne promeuvent pas les valeurs ‘féminines’ classiques : maternité et foyer. Elles évoquent la puissance, la maîtrise, l’indépendance, l’aventure, la séduction hors mariage, des notions que l’on n’associait pas à la féminité. En devenant des créatures porno pop, elles ont saisi qu’elles incarnaient des figures sacrilèges parce qu’en rupture avec une vision traditionnelle de la femme ‘décente’, pudique, dépendante. Elles permettent d’investir des postures qui nous ont été interdites.
Un couple à la dérive
Finalement, la critique de Osez le féminisme ! ne prend pas en compte l’art du détail de David Fincher, et les différentes lectures qu’offrent les agissements de ses personnages.
Lorsque Ben Affleck lève la main et frappe sa femme au bas de l’escalier, c’est pour le site de l’association une manière de contrer la violence “morale” créée par Amy :
Nick, poussé à bout autant que le spectateur par tant de noirceur féminine, n’a qu’une envie, rompre le cou de cette femme diabolique, et quand finalement il lève (une fois) la main sur elle, malgré lui, un soupir de soulagement s’élève dans la salle : elle l’a bien cherché ! Ou l’art de déculpabiliser et encourager la violence masculine… Les comportements adultères de Nick auprès d’une étudiante sont vite oubliées.
Le problème, c’est que cette scène ne s’est peut-être jamais déroulée : c’est la parole de Nick contre celle d’Amy.
Car si David Fincher réussit bien une chose à travers Gone Girl, c’est de dépeindre Nick et Amy comme les responsables de la défaillance de leur propre couple. Ils se trompent, l’un veut ouvrir le crane de l’autre, ils se mentent, se manipulent devant les caméras comme au sein de leur foyer, blessent et tuent. Le mari comme la femme sont ici critiqués à l’aune de leurs faiblesses.