Un concept inédit
Une idée bien singulière impulsée par l’Institut de Recherche, bien décidé à pousser l’aventure jusqu’à la création de dispositifs spécialement étudiés pour la soirée. Une expérience conceptuelle au départ assez floue pour la DJ et productrice qui n’a cependant pas hésité à se lancer et à offrir sa collaboration comme elle nous le raconte :
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J’ai été contactée par l’IRCAM qui m’a proposé un projet. Ils cherchaient un artiste ouvert à un type de performance assez particulier. Je ferai un live et le public interagira sur mon live. L’idée était de créer ce concept ensemble. Sur le papier le projet me semblait intéressant d’autant qu’être contactée par l’IRCAM m’a honorée.
Le concept, bien qu’assez innovant pour provoquer une perte de repère chez le public, n’a cependant pas tardé à être affiné, l’IRCAM concrétisant peu à peu des idées encore inédites grâce à un travail étalé sur plusieurs mois auquel la productrice a donné son concours.
Ce sera un live interactif. Il y a des moments où je ferai la musique et d’autres où le son sera sur le téléphone des gens. On a défini des sons à donner au public avec l’IRCAM, qui iront avec le live que je donnerai. Il va y avoir un espèce de va-et-vient entre la diffusion traditionnelle et celle sur téléphones, explique la productrice.
Le dispositif, lourd en moyens techniques, a nécessité la création d’applications. Alors que Chloé se charge de “faire une place au public” dans son live, l’institut de recherche a développé des moyens de susciter la participation. Ainsi, grâce à un téléphone et une connexion Internet, les spectateurs pourront enclencher la musique — préalablement sélectionnée par les organisateurs afin de coller au mieux à la performance live — sur leurs appareils. Ce geste anodin reproduit par toute une foule fera émerger des sonorités imprédictibles qui viendront interagir avec la création de Chloé.
Un lâcher-prise de l’artiste
“Des possibilités infinies ou presque, puisque la seule limite est que cela reste audible et agréable” d’après l’artiste qui a, pour l’occasion, dû revoir son processus de création.
La différence c’est que je ne suis pas seule. En musique électronique on a tendance à l’être puisque, par définition, on la construit avec des machines. Là en l’occurrence, on m’offre des outils qui n’existent pas encore. On a customisé tout ça exprès pour le 21 juin. On a créé un outil de diffusion exprès. Ça provoque en moi quelque chose de différent par rapport à mon processus habituel.
C’est une vraie collaboration, basée sur une idée venant du ministère de la Culture puis sur ma réaction en tant qu’artiste au projet, constate-t-elle.
Cependant, si l’interactivité du concept a de quoi séduire Chloé, elle nécessite un lâcher prise certain sur son œuvre. Une idée bien difficile à accepter quand on sait que le résultat final ne sera similaire à aucune des répétitions. La productrice habituée à maîtriser seule son art devra l’abandonner au public non sans appréhension.
C’est très déstabilisant. À l’IRCAM, on fait des sessions de travail avec plein de téléphones mais c’est juste un entraînement. Je me rends bien compte que c’est difficile pour moi de lâcher complètement prise. Le résultat devra être collectif, je devrai lâcher et laisser le son au public, confie Chloé au sujet de ses craintes concernant le jour J.
Les nouvelles technologies au centre de l’initiative
L’IRCAM va encore plus loin dans le bousculement des habitudes de Chloé. En allant creuser les fonctionnalités des smartphones et en choisissant de faire participer le public par le biais de ces derniers, l’Institut balaie tous les repères de l’artiste en matière de soundsystem. L’adaptation a nécessité du temps ainsi que de nombreuses concessions de la part des tenants du projet. La productrice reste cependant confiante quant au rendu final.
Il y aura un équilibre dans la diffusion : des moments où le son passera sur les enceintes, d’autres où il sera sur les téléphones et d’autres où les deux modes de diffusion seront mêlés.
Mais la qualité sur téléphone n’est pas du tout la même. Des sonorités rendent mieux que d’autres. Et les différents modèles ne donnent pas toujours le même son non plus.
C’est cette diversité qui rendra les textures intéressantes.
L’expérience est grisante, pourtant Chloé n’est pas non plus décidée à vivre connectée. Après avoir passé quelques mois à mettre en place le projet, la productrice affirme être en pleine remise en question au sujet de l’utilisation des nouvelles technologies. Si elle a déjà associé les nouvelles technologies à son art en travaillant notamment sur iPad, Chloé pense à prendre le contrepied de cette tendance 2.0. Revenir à l’essence de la créativité en éliminant les artifices informatiques, c’est ce qu’elle proposera lors d’un show aux côtés de Nova Materia prévu pour septembre.
La position de l’artiste n’est cependant pas totalement tranchée puisqu’elle n’exclut pas de renouveler le challenge. Celle qui “laisse les discours à d’autres et utilise la technologie comme un outil“. Mais avant d’envisager les défis futurs, Chloé devra déjà faire face à celui du 21 juin. Pour sa première participation à la Fête de la Musique dans la capitale française, la DJ devra encore se soumettre à un entraînement intensif avant de livrer au public une expérience inédite au cœur des jardins du Palais Royal.