“Folk’n’beat yéménite”
Nées et élevées à Shaharut, un petit village du sud d’Israël, Tair, Tagel et Liron s’intéressent dès l’enfance à la musique. C’est tout naturellement qu’elles se mettent à chanter ensemble. En hébreu, en anglais, mais aussi et surtout dans le dialecte que leurs grands-parents, des Juifs yéménites ayant migré en Israël, leur ont transmis.
Contactée par Skype et posée avec ses deux soeurs, Tair raconte :
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Notre père jouait d’un instrument, notre mère a une voix magnifique quand elle chante. On a commencé à chanter de manière très naturelle, à la maison, à l’école… Moi, je peux dire que j’ai toujours voulu être une chanteuse internationale ! Le fait que je puisse le faire avec mes soeurs, c’est encore mieux.
Les années passent, les soeurs déménagent à Tel Aviv. Les jeunes femmes multiplient les vidéos de chant sur YouTube. Le déclic se produit lorsqu’elles sont repérées par Tomer Yosef, leader du groupe electro-funk Balkan Beat Box. Signées sur sa structure, elles se préparent à présent à sortir leur premier album, hommage évident à leurs racines.
Le clip de “Habib Galbi” résume ce parcours. La vidéo, tournée dans leur village natal, mélange tenues contemporaines et traditionnelles. Les danseurs sont habillés en jogging mais font des pas issus de la culture populaire yéménite. Leur musique, qu’elles nomment joliment “folk’n’beat yéménite”, est autant influencée par Michael Jackson que par Damian Marley, dont elles ont fait la première partie il y a peu à Tel Aviv.
Elles soulignent l’importance de leur identité culturelle métissée :
Notre deuxième album mélangera l’hébreu, l’arabe et l’anglais. Mais notre premier album a été fait pour revenir à la source, à ce qui nous définit en tant que personnes. Ca nous semblait tellement évident de faire ça comme ça, en mélangeant ces chants au son de la Motown, du music-hall, à ces éléments occidentaux, et de chanter tout ça à trois voix.
“On parle de problèmes de femmes”
A-Wa détonne dans le paysage musical israélien, à plusieurs titres. Elles ne sont pas les seules à moderniser des chants traditionnels. Mais peu d’artistes, nous expliquent-elles, se concentrent sur les thématiques qu’elles abordent :
“Habib Galbi”, c’est l’histoire d’une femme désespérée par l’absence de l’homme qu’elle aime, et qui veut qu’il revienne. Il y a des femmes qui chantent en Israël, mais pas ce genre de chansons. Pas ces chansons séculaires, chantées par des femmes et parlant de problèmes de femmes. Nous, on met cette musique au premier plan et on la mélange très naturellement avec nos influences.
Surtout, dans une société israélienne déchirée par le conflit judéo-arabe, ce trio de Juives qui chantent en dialecte yéménite crée un pont culturel rafraîchissant. C’est aussi un hommage à la tradition orale d’un pays ravagé par les bombardements la montée du terrorisme islamiste :
C’est surprenant et excitant parce que notre plus grand souhait, c’est de connecter les gens et de construire ce pont afin qu’ils puissent apprécier la musique, d’où qu’ils viennent. On amène un bol d’air frais, quelque chose de neuf. Plein de Yéménites nous disent “merci pour votre musique, vous nous soutenez dans une période très difficile”.
Passées l’an dernier à Paris et aux Transmusicales de Rennes, les soeurs d’A-Wa seront de retour dans la capitale en octobre prochain. Et nous prouveront encore une fois que leur musique vaut bien plus qu’une histoire d’été.