L’idée de “faits alternatifs” défendue par Kellyanne Conway, conseillère de Donald Trump, a rappelé l’actualité criante du célèbre roman de George Orwell.
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Depuis ce week-end, le roman dystopique de George Orwell 1984 caracole en tête des ventes sur la version américaine d’Amazon, une santé étonnante pour une œuvre parue en 1949. Pour tenter de comprendre cette dynamique, il faut revenir sur la polémique autour du nombre de personnes à l’investiture de Donald Trump, entre mensonges, “faits alternatifs” et novlangue orwellienne.
En cause, la photo aérienne d’un National Mall passablement clairsemé le 20 janvier, indéniable signe de la faiblesse de l’affluence, surtout quand on la compare à la marée humaine de l’investiture de Barack Obama, en 2009.
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Un revers symbolique qui provoque la furie de Donald Trump et le pousse à affirmer que 1,5 million de personnes étaient présentes (on estime que c’est plutôt 160 000). Il envoie au front son porte-parole, Sean Spicer, pour soutenir ces chiffres fantaisistes. Ce dernier les confirme donc en conférence de presse avant d’annoncer sans ciller que “jamais autant de monde ne s’était déplacé pour une investiture. Point barre.” Une affirmation incontestablement fausse au vu des affluences record aux investitures de Barack Obama.
Voilà pour l’affaire initiale. Libre à chacun de se faire une idée sur son niveau de puérilité.
“Faits alternatifs”
Mais la polémique prend une toute autre ampleur avec la réponse de Kellyanne Conway à un journaliste de l’émission Meet the press de la chaîne NBC (une véritable institution aux États-Unis), qui tente de coincer la conseillère du nouveau président sur les mensonges proférés par Donald Trump et relayés par son porte-parole. Acculée, elle répond le plus simplement du monde que Sean Spicer a présenté des “faits alternatifs”. Comme s’il était possible de coller deux nombres différents sur un même événement et d’en tirer deux réalités coexistantes.
Une manipulation systématique de la réalité maintes fois pointée du doigt par les observateurs politiques et médiatiques, à tel point que le dictionnaire Oxford a désigné “post-vérité” comme mot de l’année 2016 :
“‘Post-vérité’ est un adjectif qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles”
Et c’est là que George Orwell entre dans la danse. Dans 1984, l’État totalitaire de Big Brother emploie la “novlangue” qui fait peu à peu tomber les citoyens dans un système de double pensée, où les mots peuvent avoir plusieurs significations et avec lesquelles il est possible de jongler. Ceci leur permet de “retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux “. Par ce procédé, il est possible de rendre réel n’importe quel fait, simplement en l’exprimant. C’est ce qui autorise aujourd’hui Donald Trump et ses conseillers à mentir sans vergogne, car les mensonges qu’ils profèrent sont perçus comme des formes de vérité : des “faits alternatifs”.
Soixante-huit ans plus tard, Orwell n’a jamais été aussi contemporain.